Si vous le construisez, elles courront : l’histoire d’Eileen Gray
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Si vous le construisez, elles courront : l’histoire d’Eileen Gray

ON March 4, 2022 by aaroncoble

 

Imaginez que vous ayez découvert un vélo à la fin de l’adolescence pendant la Deuxième Guerre mondiale, puis que, sur le chemin du travail, vous ayez sillonné une ville dévastée par la guerre, en évitant les gravats, les décombres et les débris laissés par les bombes.

C’est l’histoire d’Eileen Gray.

Elle se rendait au travail à Harrow Road en bus ou en train jusqu’au jour où les conducteurs se mirent en grève. Quand Eileen arriva en retard au travail, son patron n’était pas content. La grève se poursuivait et il fallait qu’elle trouve le moyen d’arriver au travail à l’heure. Elle dénicha alors un vieux vélo déglingué et commença à faire les trajets avec, qu’il pleuve ou qu’il neige, de jour comme de nuit. Aussi affreux que soit le temps, elle ne fut plus jamais en retard.

Pour Eileen, le vélo, c’était la liberté. « J’étais très déterminée, même à cette époque, dit-elle. Je savais que je voulais avoir la maîtrise de ma vie, sans que des gens (surtout des hommes) viennent m’imposer des règles alors qu’eux faisaient comme ça leur plaisait. » Le vélo fut un outil au service de cet objectif.

Quiconque a un jour enfourché une bicyclette a ressenti la liberté que procure le fait de fendre l’air à coups de pédale. Et cela veut dire aussi qu’il sait exactement le changement que cette incroyable machine peut apporter dans une vie. Grâce à sa découverte et à son amour du vélo, la timide jeune fille effacée qu’était jadis Eileen devint une femme sûre d’elle qui se mit à la course cycliste féminine et entra à l’UCI ainsi qu’au CIO.

Le WTRA

En 1946, des organisateurs de Copenhague, au Danemark, mirent sur pied une course sur piste pour des femmes cyclistes. Ils invitèrent trois femmes cyclistes britanniques, dont Eileen Gray. « Ce fut une occasion en or pour nous, dit-elle. Je veux dire, pas seulement d’être invitées à l’étranger, mais nous allions être autorisées à entrer en compétition contre une équipe danoise. »

Bien que victorieuses, elles rentrèrent chez elles sans médailles, ni titres ou prix en numéraire, parce qu’elles étaient des femmes. En voyant l’équipe d’Eileen dominer la troupe théâtrale danoise (qui faisait du vélo pour le spectacle et non pour le sport), les spectatrices pensèrent : « Si elles y arrivent, moi aussi je peux le faire. » Cet événement, même pour le divertissement et non la compétition, encouragea d’autres femmes à sauter en selle et à faire pression pour avoir leurs propres événements cyclistes dans toute l’Europe.

Devenue mère en 1947, Eileen quitta la compétition. Jamais elle n’eut l’impression d’avoir « abandonné » : le fait est qu’il y avait peu de compétitions à abandonner dans les années 1940. À la place, Eileen devint une importante organisatrice et œuvra à la création de nouveaux événements de cyclisme féminin. « En fait, les choses se sont faites plus ou moins toutes seules, dit-elle. Je l’ai fait et j’ai utilisé mes contacts pour provoquer la suite des événements quand je le pouvais. »

En 1949, Eileen fonda la WTRA (Women’s Track Racing Association, association de compétition féminine sur piste) qu’elle renomma finalement la WCRA (Women’s Cycle Racing Association, association de cyclisme de compétition féminin). L’objectif de la WCRA était de multiplier le nombre d’occasions pour les femmes de faire du cyclisme et de combattre les inégalités dans « la couverture médiatique, les prix en numéraire, les parrainages et les opportunités pour les femmes à l’international. »

Eileen dirigea une équipe de coureuses qui se rendit en France en juillet 1955 pour affronter la toute première course par étapes du Circuit Lyonnais-Auvergne. De là, elles enchaînèrent avec le Tour de France féminin en septembre et rentrèrent chez elles avec des victoires dans les deux.

Bien que le cyclisme féminin se développait, les Néerlandaises, les Suisses et les Italiennes hésitaient encore à participer. Mais Eileen savait que si elle continuait à insister et à persévérer, un jour, le cyclisme féminin serait accepté pour ses propres mérites.

Record du monde de l’UCI et championnats du monde féminins

Grâce à sa ténacité, elle convainquit l’UCI de reconnaître les records du monde féminins. En 1955, le WTRA organisa une tentative de record du monde pour le 500 m contre-la-montre féminin par Daisy Franks sur la piste de Herne Hill. Toutefois, l’UCI ne donna son accord qu’après que les femmes aient cousu à la main leurs propres sacs de sable pour se conformer aux réglementations officielles.

Trois ans après avoir assisté à la domination de son équipe dans deux courses par étapes ouvertes pour la première fois à des femmes et à la première tentative de record du monde, elle persuada l’UCI en 1958 d’organiser les premiers championnats du monde féminins qui comprenaient un sprint sur piste, une poursuite individuelle et une course sur route de 59 kilomètres.

Quelques années plus tard, la cheffe de l’équipe féminine, avec l’aide de la British Cycling Federation (BCF), alloua à l’équipe la maigre somme de 100 livres sterling (environ 200 dollars US de l’époque) pour lui permettre de se rendre à Leipzig, en Allemagne de l’Est, pour les championnats du monde de 1960. Cette équipe, composée uniquement de femmes, fut obligée de collecter elle-même des fonds afin d’acheter du matériel et de louer un bus. Aux dires d’Eileen, un responsable britannique, un homme, « alla chez lui… en emportant délibérément toutes nos chambres à air et nos pneus de rechange avec lui, nous laissant démunies. Il le fit juste pour nuire à nos chances. »

Malgré ce revers, Beryl Burton, l’une des membres de l’équipe, remporta la poursuite individuelle ainsi que la course sur route. Même face à l’énorme succès remporté par le cyclisme féminin, les hommes n’étaient toujours pas disposés à reconnaître ou à accepter ces exploits sportifs et Eileen voulait que la compétition féminine soit davantage reconnue. C’est ainsi que non seulement elle brigua un siège au comité financier de la British Cycling Federation, mais elle l’obtint également.

La course sur route féminine du CIO aux Jeux Olympiques

Lorsque le CIO (le Comité international olympique) rejeta la demande de la FIAC (International Federation for Amateur Cycling) qui réclamait une course féminine sur route aux Jeux Olympiques de Tokyo de 1964, il sembla que les espoirs pour les femmes étaient minces.

Six ans plus tard, Eileen rencontra Lord Killanin, qui était alors président du CIO lors d’un dîner de chroniqueurs sportifs en 1970. Suite à cette soirée, elle écrivit à Lord Killanin en lui demandant instamment d’autoriser une course féminine sur route aux Jeux Olympiques.

Le CIO haussa les épaules, affirmant qu’il n’y avait pas assez de preuves pour démontrer que le cyclisme féminin remplissait les critères du sport « international ». D’après le CIO, la compétition féminine sur route n’était pas un nouvel événement mais un sport radicalement différent.

Enfin, huit ans après qu’Eileen fut devenue présidente de la BCF et eut fait pression pour que le cyclisme féminin entre aux Jeux Olympiques, 45 participantes de 16 nations s’affrontèrent dans la première course féminine sur route jamais organisée aux Jeux Olympiques d’été de 1984.

« Si vous voulez quelque chose, vous devez vous battre pour l’obtenir »

Douce ingénieure devenue militante pleine d’audace, Eileen Gray vint à bout de la résistance d’organisations et de pays non coopératifs du monde entier. Elle élimina les obstacles pour les femmes qui poursuivaient leurs tentatives de record du monde.

Elle ne cessa jamais de travailler pour les autres. Plus tard dans sa vie, Eileen fut intronisée au panthéon du cyclisme britannique, où elle fut décrite comme une « championne de la course féminine et administratrice visionnaire et pleine d’autorité. »

Eileen a joué un rôle capital pour faire reconnaître la course cycliste féminine au niveau national et international. Sans sa farouche détermination et sa résilience, les femmes auraient continué à s’affronter sur des routes secondaires sans la moindre reconnaissance.

Contre vents et marées, Eileen a construit quelque chose d’incroyable pour les femmes du monde du sport. Et plus les femmes couraient, plus elles réussissaient.


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